
Photo : © Darren Ornitz
Manifestations nues : féminisme et culture visuelle
En 1903, Emmeline Pankhurst fondait la Women’s Social and Political Union, dont le mot d’ordre était « Des gestes, pas des mots » et dont la réputation allait se bâtir sur la confrontation physique. C’était là un groupe de femmes déterminées à agir. Quand Muriel Matters et Helen Fox se sont enchainées à la grille de la cour des dames, à la Chambre des communes, ou quand Sylvia Pankhurst et d’autres suffragettes ont été nourries de force en prison alors qu’elles faisaient la grève de la faim, les images et les comptes rendus qui les accompagnaient dans les journaux trahissaient une espèce de joie sadique2 2 - Voir James Vernon, Hunger: A Modern History, Cambridge, Harvard University Press, 2009.. Les actes de résistance des suffragettes étaient rapidement convertis dans les termes établis de la violence sexuelle, et leurs corps assertifs, porteurs d’une grande puissance politique, étaient transposés dans un autre rôle, dématérialisés par une imagerie statique. Jill Lepore a défendu récemment l’idée que cette image de la suffragette enchainée a été la source d’inspiration de William Moulton Marston pour son héroïne de bandes dessinées, Wonder Woman : le seul moyen de l’arrêter est de la bâillonner ou de l’attacher – et c’est bien ainsi qu’elle apparait dans presque tous les épisodes originaux3 3 - Jill Lepore, Secret History of Superwoman, New York, Random House, 2014..