
Photo : permission de l’artiste, Annely Juda Fine Art, Londres & P.P.O.W., New York
du 14 mars au 14 juillet 2019
Le sujet de l’exposition est simple. Partant du constat que le monde numérique d’aujourd’hui est en quasi-totalité masculin, ce que l’on considère généralement comme un fait et non comme le résultat d’un processus, les commissaires Inke Arns (Hartware MedienKunstVerein, Dortmund) et Marie Lechner (Gaîté Lyrique, Paris) explorent une hypothèse contraire, en s’appuyant sur une histoire de l’informatique à ses débuts, féminine. Comme le démontre la frise chronologique présentée à l’entrée de l’exposition, ce n’est qu’autour des années 1980 que le domaine s’est masculinisé d’une manière caricaturale, favorisant le stéréotype du hacker asocial. Aussi, l’exposition réunit des artistes qui remontent le courant inverse, en montrant que les filles sont tout autant concernées par l’informatique. Cela passe par des pièces – il faut le reconnaitre – parfois littéralement démonstratives, mais d’autres, formellement aussi bien que thématiquement riches, à même d’ouvrir des perspectives renouvelées.

Soft Nails [ASMR] Kleincomputer Robotron KC87, capture vidéo, 2018.
Photo : permission de l’artiste
Les deux contributions de Nadja Buttendorf, artiste originaire de Dresde, Soft Nails [ASMR] Kleincomputer Robotron KC87 (2018), et Robotron a tech opera (2018-2019), respectivement une vidéo et une série web, ont toutes deux pour figure centrale un ordinateur fabriqué en RDA à la fin de la Guerre froide, relevant d’une technologie supplantée par l’Occident. Dans la vidéo, l’artiste tente de ressusciter la machine en la caressant à l’aide d’ongles mous, créés spécialement, en lui parlant selon la technique de chuchotement ASMR. Drôle par la douceur et la volupté des gestes et de la voix qui contrastent avec un design austère, l’œuvre attire l’attention sur un aspect de l’histoire des technologies à peine mis au jour dans nos pays, celui de l’absorption des techniques informatiques du bloc de l’Est. Quant à sa série web, elle raconte la manière dont l’usine de fabrication de l’ordinateur Robotron a pu faire partie du quotidien de sa famille : l’artiste en fait avec distance le cadre de scènes mimant les soap operas américains. Tout aussi spirituelles, les pièces de Dasha Ilina, jeune artiste d’origine russe basée à Paris, rassemblées sous le titre ironique de Center for Technological Pain (2018), thématisent l’emprise des technologies sur nos vies et proposent des solutions élémentaires pour s’en défendre. Ce sont des dispositifs bricolés en carton pour ne plus regarder constamment son téléphone intelligent, des fascicules prodiguant des conseils pour lutter contre les overdoses de réseaux sociaux et des tutoriels pour éviter les personnes fixées sur leurs écrans dans la rue.
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