Claire-Fontaine
Claire FontaineForeigners Everywhere, vue d'installation, Venise, 2024.
Photo : Marco Zorzanello, permission de La Biennale di Venezia
Biennale de Venise
du 20 avril au 24 novembre 2024
Esse Website GIf
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[In French]

Alors que les conflits armés sévissent dans une actualité aussi marquée par la montée de la droite aux motivations antiimmigration, « Étrangers partout », le thème de la 60e Biennale de Venise, retentit comme un slogan sinistre. Son commissaire, le Brésilien Adriano Pedrosa, l’emprunte au duo d’artistes de Palerme Claire Fontaine, qui a décliné ces mots dans des dizaines de langues écrites avec des néons aux couleurs variées, lumières qui ponctuent stratégiquement le parcours de l’exposition, comme un rappel insistant. Il est question, dans cette Biennale, des personnes migrantes, exilées, expatriées et réfugiées. Emblématique, l’installation vidéo The Mapping Journey Project (2008-2011) de Bouchra Khalili partage le récit de huit migrant·es. La caméra filme leur main qui trace sur une carte la trajectoire de leur fuite, pendant que leur voix hors champ raconte les impasses. Ce qui a d’abord guidé la sélection du commissaire, c’est le statut des artistes. Contrairement à Khalili, qui a déjà exposé à Venise et dont l’œuvre a été célébrée ailleurs, la majorité des quelque 300 artistes de l’exposition thématique participent pour la première fois à la Biennale, incarnant diversement la figure de l’étranger ou de l’étrangère : autodidactes, autochtones, populaires ou queers. En premier commissaire provenant d’Amérique latine et ouvertement queer, Pedrosa établit ainsi une Biennale aux aspirations franchement décoloniales qui dévie de l’hétéronormativité.

Il y a eu des précédents. Depuis le tournant des années 2000, la Biennale, d’édition en édition, se réinvente, tente de briser le rapport centre-périphérie au cœur de sa genèse en Occident, hérité des expositions universelles, son modèle. Il y a eu aussi dans la foulée une multiplication des pavillons nationaux, dont le nombre a atteint le record de 90 en 2019, contre 87 cette année. Tout cela redessine la carte des foyers artistiques et nous instruit sur une géopolitique en constante mutation. En 2013, le commissaire invité, Massimiliano Gionni, ouvrait déjà la Biennale à des outsideurs, à des autodidactes ou à des adeptes du spiritisme. Résolument féministe, l’inoubliable édition de Cecilia Alemani, en 2022, incluait la diversité de genres, en plus de capsules historiques interrogeant les jalons de la modernité.

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