Actions picturale, vendre nos 20 ans sous le manteau…

Pour fêter les 20 ans d’esse sans l’enterrer, nous inaugurons le lancement de la revue anniversaire à Paris en la vendant sous le manteau, dans l’entrée du musée Gustave Moreau (lieu de mes actions clandestines que dévoilait la revue). La vente se fait à l’insu de l’administration du musée.

Actions picturale, gâcher le vernissage en exposant les comptes de la galerie…

En 2003, La revue Musica falsa accompagne la sortie du n° 18 d’une exposition à la galerie Rachlin Lemarié. Le thème retenu (la Visitation) est une manière d’amener les artistes à réfléchir sur la nature et la résistances de leurs support… Alors que nous étions engagés sur des rapports gracieux, j’apprends durant la réunion d’accrochage que les oeuvres sont mises en vente aux conditions du galeriste et qu’il ne produit rien, nous devenons ses salariés. Bastien Gallet, rédacteur en chef de la revue, tient à mon panneau syndical « trop amusant ton projet, la revue le prend en charge… On te remboursera… 

Tu pourrais mettre des tracts sur les intermittents… », s’amuse-t-il. Inspiré par J.-C. Agboton-Jumeau, le jour du vernissage,  sous les yeux du public, j’ouvre le panneau et affiche les comptes de la galerie. Les responsables de la galerie m’assaillent : « – on ne peut pas cracher dans la soupe ! faut vendre ! c’est pas de l’art ! ça ! » Bastien me mets la main sur l’épaule : « – tu peux pas les retirer ? ça y’est t’as fait ton coup, ça se fait pas… Ouais c’est un panneau syndical, mais tu ne devais pas parler de ça, tu m’avais parlé des intermittents. » Je refuse aussi d’afficher dans le panneau la réponse que le Galériste tient à m’opposer : tous ses murs sont libres. Je suis le seul à avoir la clef du panneau. L’exposition terminée, Musica falsa ne m’a pas remboursé, j’ai récupéré le panneau, l’ai échangé à Sébastien contre la rénovation de ma salle de bain…

Actions picturale, détourner d’une fête vers une autre…

En juin 2006, je suis invité pour le catalogue rétrospectif du Centre national de l’estampe et de l’art imprimé (Cneai=9 ans), à retracer en une dizaine de pages mes actions dans le panneau syndicalpictural installé au centre en 2002. Les pages sont livrées, et payées 700 euros. Ce n’est qu’en feuilletant par hasard le catalogue enfin publié que je constate mon éviction… Le 31 janvier 2007, je me rends avec Sébastien Levassort au Baron, boîte à la mode, choisi par les responsables du Centre pour lancer leur catalogue. Il y a beaucoup de monde dans le club. Nous portons tous deux la pièce que Sébastien a réalisé pour l’occasion : un tee-shirt noir avec imprimé sur le torse : i have a drink et dans le dos i had a drink. J’ai une flûte à la main, je distribue des papillons qui proposent aux convives de se rendre immédiatement au restaurant du Palais de Tokyo pour lire les pages proscrites du catalogue qu’ils sont venus vernir. Hormis la directrice du Cneai, beaucoup d’invités me demandent pourquoi j’ai une flûte à la main, d’autre râlent, rient… Les 100 papillons sont distribués. Au Palais de Tokyo nous retrouvons Lefevre Jean Claude et Danielle, Christelle Levassort, Zalia. Les autres complices sont à Cherbourg, Rennes… J’expose les pages sur une chaise. Nous dînons joyeusement. Aux quelques fêtards, je ne donne pas d’explication à mon exclusion, outre quelques pages critiques ou la trop discrète valeur symbolique de mon nom, name dropping oblige ? I had a drink…

Actions picturale, 10 après, non pas fêter mais finir…

esse révéla pour ses 20 ans une partie de l‘action clandestine menée au musée Gustave Moreau. Pour ses 25 ans, je révèle la dernière action… Le 31 mars 2007, à l’insu de l’administration du musée et des visiteurs, j’organise avec la Biennale de Paris une exposition clandestine pour fêter les 10 ans jour pour jour du début de mon action et sa fin… Quelques livres des éditions Incertain Sens et le catalogue de la Biennale de Paris sont mis en vente sous le manteau. Chaque invité reçoit un exemplaire du dernier Cartel. 4 actions animent l’événement : Sébastien Levassort, 3 containers RVB (2007), a placé
3 poubelles peintes en RVB à l’entrée du musée ; Elisabeth Lebovici, souvenirs du musée, propose sur un lecteur Mp3 l’écoute d’un texte chuchoté ; Yves Dymen, [sans titre] (2007), a abandonné dans les salles des coussinets de plastique ; Patrice Loubier, Jumping (2007), nous a envoyé de Montréal une balle de caoutchouc je dois en relancer le rebond. Vers 15 h, fatigué de répondre aux visiteurs affranchis que « – non, il n’y a ni exposition clandestine ici, ni anniversaire… » nous sommes dénoncés par la caissière : il nous faut remballer. Avant de partir, devant Nick Gee, Jérôme Gontier et Laurent Buffet, je lâche du haut de l’escalier la balle canadienne : l’un des rebonds cogne la vitrine de verre, frayeur sans dommage… 

En sortant, la caissière m’harrangue : « – Vous devriez savoir savoir que c’est interdit ce que vous faites ! – Bah oui, le réglement de visite c’est moi qu’il l’ait fait écrire… » Je retrouve mes complices au café. Nous trinquons à la fin, au nouveau Nous ne fêtons aucun anniversaire mais célèbrons l’inconnu. 

The Act of Drinking Beer with Friends Is the Highest Form of Art.
Tom Marioni


From 1997 to 2002 Laurent Marissal, aka Painterman, worked as a museum attendant at the Musée Gustave-Moreau. He diverted the working time he sold to the Department of Culture towards painterly activities. Seventy underground actions later, following the museum’s reengineering and the trimming down of its work force, he handed in his resignation. But getting out of prison is not getting rid of it. . . Urbi et orbi, Painterman paints unseen and unhidden wherever action takes him (http://painterman.over-blog.com or Pinxit Im, theÉditions Incertain). One evening, during a reading, the group Protestation wished to read ­passages from Kafka; the writer violently refused, saying, “You’ve become insane! A protestation with notice and police authorization! It’s both ridiculous and sad! It’s only a fictional assault. . .” Celebration, anniversary, opening—all these events through their being culturally and commercially framed trigger the obsolescence of artworks transformed into fictional assaults.

Laurent Marissal
This article also appears in the issue 67 - Killjoy
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