[In French]
Je me souviens de la première fois que j’ai vu les œuvres de Marie-Claude Bouthillier. C’était dans les années 1990 au 5e étage du Belgo ; des peintures sur différents matériaux et faux cadres étaient appuyées sur les murs. Je ne me souviens pas s’il y en avait qui étaient accrochés aux murs ou non, mais en tout cas ces objets étaient recouverts de motifs peints abstraits, comme s’ils avaient été abriés et que l’artiste tissait avec la peinture une surface de lecture et de protection, révélant une écriture intelligible quant au geste, mais inintelligible quant au texte, une écriture qui semblait être élaborée pour le futur. Ces œuvres, que nous aurions pu enterrer pour la fin du monde afin qu’une autre civilisation les retrouve et en fasse quelque chose, nous nous contentions de les regarder, de nous laisser hypnotiser par elles. D’autres peuples essaieraient peut-être de les décrypter, ces peintures quasi hiéroglyphiques au code indéchiffrable.

Je me rappelle aussi avoir entendu dire que Bouthillier avait une baignoire à pattes dans son atelier, je pense même qu’elle y prenait des bains ; c’était dans le Vieux-Montréal, à une autre époque, celle des années 1980. Moi j’étais moitié punk, moitié preppie, j’écoutais Psychedelic Furs et je regardais Breakfast Club. On se saoulait à la vodka jus d’orange, je ne connaissais rien à l’art sauf pour les cinq livres dans le vaisselier de ma mère : il y avait Van Gogh, les autres je ne m’en souviens plus, c’était des collections du Reader’s Digest. Maintenant, personne n’a plus son atelier dans le Vieux-Montréal, c’est beaucoup trop cher et, de place en place, on se fait même déloger du canyon aux allures roumaines qu’est le Mile-End.

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This article also appears in the issue 80 - Renovation
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