{"id":199205,"date":"2023-10-23T14:48:01","date_gmt":"2023-10-23T19:48:01","guid":{"rendered":"https:\/\/esse.ca\/?post_type=chronique&p=199205"},"modified":"2023-11-03T11:23:56","modified_gmt":"2023-11-03T16:23:56","slug":"faire-secret-keep-the-secret","status":"publish","type":"chronique","link":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/","title":{"rendered":"Faire Secret \/ Keep the Secret"},"content":{"rendered":"\n
Dans le cadre de ma r\u00e9sidence num\u00e9rique, je consid\u00e8re le th\u00e8me du secret dans les archives de Esse<\/em>. Des r\u00e9cits \u00e9touff\u00e9s aux bruits souterrains en passant par les th\u00e9ories du complot et les op\u00e9rations dissimul\u00e9es de surveillance \u00e9tatique, j\u2019interroge les registres cach\u00e9s du silence et de l\u2019opacit\u00e9 qui animent l\u2019art contemporain et la politique d\u00e9mocratique. En quoi le secret fa\u00e7onne-t-il le politique ? De quelles fa\u00e7ons les artistes interviennent-ils et elles dans le secret d\u2019\u00c9tat et la surveillance des donn\u00e9es ? Inversement, comment les artistes s\u2019approprient-ils et elles le secret ? Les secrets tendant \u00e0 se multiplier, je mettrai en lumi\u00e8re les relations de pouvoir qui les structurent en m\u2019appuyant sur quelques essais seulement, qui proviennent des num\u00e9ros 61 (Peur<\/em>), 86 (G\u00e9opolitique<\/em>), 92 (D\u00e9mocratie<\/em>) et 95 (Empathie<\/em>).<\/pre>\n\n\n\n

En quoi le secret sous-tend-il l\u2019organisation conceptuelle des archives ? Tandis que je suis le fil du secret courant sous les th\u00e8mes qui organisent explicitement les archives d\u2019Esse<\/em>, j\u2019ai conscience de son caract\u00e8re fuyant : le secret entraine dans son sillage les probl\u00e8mes de l\u2019inconscient. Il glisse inaper\u00e7u entre les mots, exer\u00e7ant une force perturbatrice sur la cat\u00e9gorisation des archives. Le secret pr\u00e9sente un paradoxe : lorsqu\u2019il apparait, il s\u2019an\u00e9antit. Il perd son identit\u00e9 en tant que secret<\/em> aussit\u00f4t qu\u2019il est r\u00e9v\u00e9l\u00e9. Enfin, n\u2019allons pas trop vite. Commen\u00e7ons par une d\u00e9finition provisoire. Le secret s\u2019entend g\u00e9n\u00e9ralement par opposition \u00e0 ce qui est expos\u00e9. Il est li\u00e9 au mensonge et \u00e0 la tromperie \u2013 il d\u00e9signe ce qui est occult\u00e9 ou cach\u00e9. Le secret est sournois. En dissimulant la v\u00e9rit\u00e9, nous nous parjurons. Nous le faisons peut-\u00eatre pour de bonnes raisons, mais ultimement, garder un secret est une forme de trahison. Voil\u00e0 comment le secret est commun\u00e9ment per\u00e7u. Je sais quelque chose \u2013 et je garde cette connaissance pour moi intentionnellement, d\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment. L\u2019examen de l\u2019histoire secr\u00e8te du secret dans les archives de Esse<\/em> peut-il nous aider \u00e0 r\u00e9imaginer celui-ci autrement ?<\/p>\n\n\n\n

\n
\n
\"\"<\/a><\/figure>\n<\/div>\n\n\n\n
\n
\"\"<\/a><\/figure>\n<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n
\n
\n
\"\"<\/a><\/figure>\n<\/div>\n\n\n\n
\n
\"\"<\/a><\/figure>\n<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

Conspirations<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Dans \u00ab L\u2019art de l\u2019embrouille en politique : strat\u00e9gies perverses et parano\u00efas collectives \u00bb (no<\/sup> 61, Peur<\/em>), Lynda Dematteo examine la mont\u00e9e des th\u00e9ories du complot \u00e0 la suite du 11 septembre 2001. Son essai n\u2019a rien perdu de son urgence aujourd\u2019hui, dans la foul\u00e9e des tournants populistes d\u2019extr\u00eame droite aux \u00c9tats-Unis et en Europe. Son arch\u00e9ologie des th\u00e9ories du complot conduit des cercles contrer\u00e9volutionnaires n\u00e9s apr\u00e8s la R\u00e9volution fran\u00e7aise \u2013 tels que les Illuminati et les francs-ma\u00e7ons \u2013 \u00e0 la Zone 51, \u00e0 QAnon et \u00e0 l\u2019\u00e9tat profond de la droite alternative am\u00e9ricaine contemporaine. Pour expliquer la hausse des nouvelles formes de fascisme et des r\u00e9cits conspirationnistes, Dematteo se tourne vers l\u2019anthropologie des foules d\u2019Elias Canetti et l\u2019acception que donne Richard Hofstadter \u00e0 la parano\u00efa, \u00e0 savoir une pathologie dont souffrent les personnes marginalis\u00e9es par le consensus lib\u00e9ral am\u00e9ricain d\u2019apr\u00e8s-guerre. Elle d\u00e9crit comment la parano\u00efa s\u2019\u00e9carte des dirigeants despotiques (qui propagent des th\u00e9ories du complot dans le but de d\u00e9tourner l\u2019attention des conspirations qu\u2019ils commettent) et contamine les collectivit\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

\n
\n
\"\"<\/a><\/figure>\n<\/div>\n\n\n\n
<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

Il y a (au moins) deux discours du secret \u00e0 l\u2019\u0153uvre dans l\u2019essai de Dematteo, l\u2019un plus explicite que l\u2019autre. D\u2019un c\u00f4t\u00e9, il y a le secret conspirationniste dont elle suit explicitement la trace \u2013 celui qui propage une dissonance affective. La conspiration a besoin du secret pour se propager. Or, la conspiration n\u2019est jamais compl\u00e8tement cach\u00e9e : ses indices prolif\u00e8rent. On sp\u00e9cule sur ce qui est dissimul\u00e9 pour d\u00e9voiler la traitrise secr\u00e8te du pouvoir public. Il faut compter sur ceux et celles qui connaissent \u2013 ou pensent connaitre<\/em> \u2013 les conspirations pr\u00e9sum\u00e9es pour d\u00e9celer les signes d\u2019une orchestration camoufl\u00e9e des \u00e9v\u00e8nements mondiaux.<\/p>\n\n\n\n

\n
\n
\n

Les th\u00e9ories du complot sont difficiles \u00e0 r\u00e9futer, car elles reposent sur une m\u00e9thode de lecture interpr\u00e9tative qui d\u00e9stabilise toute dichotomie stricte entre le visible et l\u2019invisible.<\/p>\n<\/blockquote>\n<\/div>\n\n\n\n

<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

D\u2019un autre c\u00f4t\u00e9, il y a le secret de l\u2019artiste, qui ronge la conscience jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019il soit confess\u00e9. Le texte de Dematteo est accompagn\u00e9 de dessins \u00e0 l\u2019encre tir\u00e9s de la s\u00e9rie 99 Fears<\/em> (2007) de l\u2019artiste bulgare Nedko Solakov. Les images, qui avaient \u00e9t\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9es \u00e0 la documenta 12 la m\u00eame ann\u00e9e, ponctuent silencieusement une analyse saisissante de la fa\u00e7on dont la parano\u00efa se propage. Dematteo ne parle pas d\u2019elles : elles ont \u00e9t\u00e9 ajout\u00e9es au texte \u2013 en tant que compl\u00e9ment \u2013 par le comit\u00e9 \u00e9ditorial d\u2019Esse<\/em> (une histoire secr\u00e8te qui n\u2019est pas mentionn\u00e9e dans la revue comme telle, mais qui a \u00e9t\u00e9 port\u00e9e \u00e0 mon attention apr\u00e8s coup). Cet ajout d\u2019un \u00e9l\u00e9ment externe vient-il combler un manque ? Quels modes de lecture sollicite-t-il ? En effet, de mani\u00e8re d\u00e9tourn\u00e9e, des relations \u00e9mergent entre les images et le texte. Leur juxtaposition impulse une pratique de lecture double, voire parano\u00efaque, qui nous invite \u00e0 construire des liens herm\u00e9neutiques entre les peurs de Solakov \u2013 peur des magicien\u00b7nes, de la d\u00e9mocratie, des meurtres clandestins commandit\u00e9s par l\u2019\u00c9tat, peur de s\u2019envoler, peur de l\u2019avenir \u2013 et les rouages internes du pouvoir despotique. Les dessins exemplifient-ils le style parano\u00efaque qui traverse l\u2019art contemporain autant que la politique pour infiltrer le d\u00e9sir collectif1<\/sup><\/a> 1 <\/a> - Pour une description des affinit\u00e9s esth\u00e9tiques et intellectuelles entre l\u2019art et la conspiration, voir Larne Abse Gogarty, What We Do Is Secret: Contemporary Art and the Antinomies of Conspiracy<\/em>, Berlin, Sternberg Press, 2023.<\/span> ?<\/p>\n\n\n\n

Peut-\u00eatre.<\/p>\n\n\n\n

Mais le legs sombre de la police secr\u00e8te bulgare n\u2019est pas une th\u00e9orie du complot. Solakov craint le service secret. Et avec raison : il a collabor\u00e9 avec lui. Pendant la guerre froide, le satellite sovi\u00e9tique exploitait un vaste r\u00e9seau d\u2019informateurs et informatrices. Solakov recueillait des renseignements sur ses coll\u00e8gues artistes \u00e0 Sofia pour le Comit\u00e9 pour la s\u00e9curit\u00e9 d\u2019\u00c9tat de la Bulgarie, qui faisait campagne pour \u00e9craser toute possibilit\u00e9 d\u2019art dissident et orchestrait des enl\u00e8vements, des actes de sabotage et des assassinats2<\/sup><\/a> 2 <\/a> - Christopher Nehring, \u00ab Active and Sharp Measures: Cooperation between the Soviet KGB and Bulgarian State Security \u00bb, Journal of Cold War Studies<\/em>, vol. 23, no<\/sup> 4 (automne 2021), p. 3-33, <https:\/\/doi.org\/10.1162\/jcws_a_01038>.<\/span>. Les dessins de Solakov rec\u00e8lent le secret ouvert de cette collaboration. Son \u0153uvre Top Secret<\/em> (1989-1990), \u00e9galement pr\u00e9sent\u00e9e \u00e0 la documenta 12, est un fichier index contenant des notes, des dessins et de petits objets qui reconstruisent l\u2019histoire de la collaboration de l\u2019artiste entre 1976 et 1983.<\/p>\n\n\n\n

Les images ne font pas qu\u2019illustrer<\/em> la parano\u00efa conspirationniste analys\u00e9e par Dematteo. Elles mettent en \u0153uvre quelque chose de nuanc\u00e9 et de complexe : les images compl\u00e9mentaires nous jettent au c\u0153ur d\u2019une \u00ab lecture parano\u00efaque3<\/sup><\/a> 3 <\/a> - Eve Kosofsky Sedgwick, \u00ab Paranoid Reading and Reparative Reading, or, You\u2019re So Paranoid, You Probably Think This Essay Is About You \u00bb, dans Touching Feeling: Affect, Pedagogy, Performativity<\/em>, Durham, Duke University Press, 2003. [Trad. libre]<\/span> \u00bb, pour reprendre le diagnostic pos\u00e9 par Eve Kosofsky Sedgwick dans sa contribution majeure \u00e0 la th\u00e9orie queer, Touching Feeling: Affect, Pedagogy, Performativity<\/em>. Et si cela fait de nous des lecteurs suspicieux et des lectrices suspicieuses qui cherchent \u00e0 percer des secrets, si cela montre comment la parano\u00efa se propage, alors ce mode de lecture n\u2019est pas uniquement pathologique. Pour Sedgwick, la lecture parano\u00efaque est davantage le pr\u00e9curseur critique d\u2019une lecture r\u00e9paratrice qui peut transformer les conditions politiques. En effet, pour Solakov, qui a confess\u00e9 publiquement sa collusion avec le Comit\u00e9 pour la s\u00e9curit\u00e9 d\u2019\u00c9tat de la Bulgarie, la parano\u00efa se mue en la possibilit\u00e9 de nouvelles formes d\u2019organisation du politique.<\/p>\n\n\n\n

Demo(n)cracies<\/strong><\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Quelle est la relation entre l\u2019\u00c9tat et le secret ? M\u00eame s\u2019il prosp\u00e8re sous la conspiration, le secret n\u2019est en aucun cas exclusif aux r\u00e9gimes totalitaires. Emily Rosamond explore le r\u00f4le du secret au sein de la d\u00e9mocratie. Dans \u00ab L\u2019\u00e9conomie de la surveillance : vers une g\u00e9opolitique de la personnalisation \u00bb (no<\/sup> 86, G\u00e9opolitique<\/em>), elle s\u2019enquiert des fa\u00e7ons dont les artistes interviennent dans le secret d\u2019\u00c9tat \u00e0 la suite des r\u00e9v\u00e9lations d\u2019Edward Snowden quant \u00e0 l\u2019ampleur des op\u00e9rations de surveillance des donn\u00e9es de la National Security Agency des \u00c9tats-Unis. Les fuites de Snowden incarnent un id\u00e9al lib\u00e9ral dans lequel le pouvoir est tenu responsable, id\u00e9al qui remonte \u00e0 la publication, en 1791 (version anglaise), du trait\u00e9 Tactique des assembl\u00e9es l\u00e9gislatives<\/em>4<\/sup><\/a> 4 <\/a> - Jeremy Bentham, Tactique des assembl\u00e9es l\u00e9gislatives, suivie d\u2019un trait\u00e9 des sophismes politiques<\/em>, traduit de l\u2019anglais et \u00e9dit\u00e9 par \u00c9tienne Dumont, Gen\u00e8ve, J. J. Paschoud, 1816.<\/span>, dans lequel Jeremy Bentham d\u00e9fend l\u2019id\u00e9e d\u2019une presse et d\u2019un gouvernement libres. Les secrets, selon Bentham, sont contraires \u00e0 la transparence, tandis que la d\u00e9mocratie y est alli\u00e9e. La transparence r\u00e9side du c\u00f4t\u00e9 du progr\u00e8s : elle favorise la responsabilit\u00e9 et pr\u00e9vient la corruption, alors que le secret est align\u00e9 avec la r\u00e9pression, la s\u00e9curisation et l\u2019abus de pouvoir. Dans quelle mesure notre conception du politique est-elle li\u00e9e \u00e0 cette d\u00e9finition \u00e9troite du secret ?<\/p>\n\n\n\n

\n
<\/div>\n\n\n\n
\n
\"\"<\/a><\/figure>\n<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

Rosamond complexifie l\u2019opposition classique entre la transparence et le secret dans les soci\u00e9t\u00e9s d\u00e9mocratiques. Examinant comment le secret est syst\u00e9matis\u00e9 et technologis\u00e9, elle en mesure les abus par rapport \u00e0 l\u2019imp\u00e9ratif de transparence de la d\u00e9mocratie. Ce qu\u2019elle nomme \u00ab g\u00e9opolitique de la personnalisation \u00bb relie deux sites distincts : 1) l\u2019espace interne de \u00ab la pens\u00e9e de l\u2019individu \u00bb, expos\u00e9 dans ses profondeurs intimes \u00e0 un r\u00e9seau de donn\u00e9es en constant changement, et 2) les infrastructures physiques qui transportent, archivent et instrumentalisent l\u2019information, \u00e0 savoir les r\u00e9pertoires de donn\u00e9es des gouvernements et des entreprises, les bunkers et les c\u00e2bles sous-marins qui traversent les fonds oc\u00e9aniques. \u00ab Quelles sont les r\u00e9percussions d\u2019une g\u00e9opolitique de la personnalisation sur les pratiques artistiques ? \u00bb demande-t-elle.<\/p>\n\n\n\n

Kay\u2019s Blog<\/em> (2011) de Liz Sterry et The 9 Eyes of Google Street View<\/em> (en cours depuis 2009) de Jon Rafman offrent une r\u00e9ponse \u00e0 cette question. L\u2019installation de Sterry recr\u00e9e l\u2019espace intime de la chambre d\u2019un blogueur ou d\u2019une blogueuse \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de la galerie. Les captures d\u2019\u00e9cran de Rafman, extraites du continuum de Google Street View, r\u00e9v\u00e8lent des \u00e9v\u00e8nements anormaux qui r\u00e9sistent \u00e0 l\u2019aplanissement d\u2019un monde de l\u2019information transparent. Les r\u00e9v\u00e9lations de Snowden ont incit\u00e9 les deux artistes \u00e0 intervenir de fa\u00e7on critique au sein des appareils de surveillance qui promulguent et optimisent le secret dans les soci\u00e9t\u00e9s d\u00e9mocratiques. Mais le contr\u00f4le gouvernemental, soutient l\u2019\u00e9conomiste politique Shoshana Zuboff, n\u2019est rien en comparaison de ce que la Silicon Valley est capable de faire. Dans son livre L\u2019\u00e2ge du capitalisme de surveillance<\/em>5<\/sup><\/a> 5 <\/a> - Shoshana Zuboff, L\u2019\u00e2ge du capitalisme de surveillance : Le combat pour un avenir humain face aux nouvelles fronti\u00e8res du pouvoir<\/em>, traduit de l\u2019anglais par Bee Formentelli et Anne-Sylvie Homassel, Paris, Zulma, 2022.<\/span>, elle d\u00e9crit une nouvelle logique de l\u2019accumulation capitaliste qui profite de la saisie et de l\u2019instrumentation de l\u2019exp\u00e9rience humaine priv\u00e9e. Dans son essai pour le New York Times<\/em> intitul\u00e9 \u00ab You Are the Object of a Secret Extraction Operation \u00bb, elle d\u00e9finit le capitalisme de surveillance comme \u00ab un syst\u00e8me \u00e9conomique construit sur l\u2019extraction et la manipulation secr\u00e8tes des donn\u00e9es humaines6<\/sup><\/a> 6 <\/a> - Shoshana Zuboff, \u00ab You Are the Object of a Secret Extraction Operation \u00bb, The New York Times<\/em>, 12 novembre 2021, <www.nytimes.com\/2021\/11\/12\/opinion\/facebook-privacy.html>. [Trad. libre]<\/span> \u00bb qui an\u00e9antit la vie priv\u00e9e et fragilise les d\u00e9mocraties lib\u00e9rales. Nous, sujets n\u00e9olib\u00e9raux, partageons de plein gr\u00e9 nos exp\u00e9riences v\u00e9cues avec les entreprises technologiques sur les plateformes de r\u00e9seaux sociaux. <\/p>\n\n\n\n

\n
\n
\n

Nos exp\u00e9riences sont traduites en donn\u00e9es exclusives que l\u2019intelligence artificielle utilise ensuite pour pr\u00e9dire et modeler le comportement humain, d\u2019une part, et orienter les algorithmes cibl\u00e9s con\u00e7us pour retenir notre attention, d\u2019autre part. Comme dans l\u2019\u00c9tat totalitaire, sous la surveillance capitaliste, personne n\u2019a le droit d\u2019avoir des secrets.<\/em><\/p>\n<\/blockquote>\n<\/div>\n\n\n\n

<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

Claudia Mesch ne traite pas explicitement du th\u00e8me du secret dans \u00ab Ausculter le corps politique : la situation de l\u2019art \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 la d\u00e9mocratie n\u2019est plus acquise \u00bb (no<\/sup> 92, D\u00e9mocratie<\/em>), mais elle montre de mani\u00e8re performative que le secret fa\u00e7onne le politique. Dans son compte rendu de la documenta 14, Learning from Athens<\/em> (2017), elle r\u00e9clame un art qui t\u00e9moigne avec empathie de l\u2019envers violent de la d\u00e9mocratie que constituent les expulsions. Elle se demande si l\u2019art \u00ab ne pourrait pas offrir un moyen [de] r\u00e9affirmer vigoureusement les principes [de la d\u00e9mocratie] \u00bb, dans le contexte de la mont\u00e9e des populismes \u00e0 l\u2019\u00e8re du combo Brexit-Trump. Elle rappelle la pr\u00e9occupation de la documenta pour la d\u00e9mocratie depuis ses origines institutionnelles en tant que \u00ab projet de d\u00e9nazification et d\u2019\u00e9ducation publique \u00bb soutenu par les \u00c9tats-Unis dont le but \u00e9tait de ramener l\u2019Allemagne de l\u2019Ouest de l\u2019apr\u00e8s-guerre sur le chemin du capitalisme d\u00e9mocratique. Avec l\u2019\u00e9dition 2017, qui se d\u00e9roulait simultan\u00e9ment \u00e0 Kassel et \u00e0 Ath\u00e8nes, cette relation entre l\u2019art et la d\u00e9mocratie est explicitement devenue le th\u00e8me commissarial central. Les \u0153uvres, qui touchaient \u00e0 la naissance de la d\u00e9mocratie dans l\u2019\u00c9tat-nation de la Gr\u00e8ce antique, exigeaient aussi de la part des spectateurs et spectatrices une r\u00e9flexion critique sur l\u2019exp\u00e9rience de l\u2019appartenance \u2013 et de la non-appartenance.<\/p>\n\n\n\n

\n
\n
\"\"<\/a><\/figure>\n<\/div>\n\n\n\n
<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

Toute d\u00e9finition de demos<\/em> exclut autant qu\u2019elle inclut. M\u00eame l\u2019\u00e9tymologie du mot d\u00e9mocratie \u2013 litt\u00e9ralement le pouvoir (kratos<\/em>) du peuple (d\u0113mos)<\/em> \u2013 donne lieu \u00e0 des d\u00e9saccords. Qui \u00e9tait \u00ab le peuple \u00bb d\u2019Ath\u00e8nes ? Les poss\u00e9dants ? Les pauvres ? Seuls les citoyens, m\u00e2les, pouvaient participer \u00e0 la d\u00e9mocratie directe ath\u00e9nienne. Selon Mesch, la d\u00e9mocratie est moins un syst\u00e8me de gouvernance empirique existant qu\u2019une indication de qui peut \u00eatre vu\u00b7e et entendu\u00b7e \u2013 et de qui ne le peut pas. La d\u00e9mocratie a ses propres secrets : un envers sombre fait d\u2019expulsions et de violence \u00e9pist\u00e9mique et physique. Mesch attire notre attention sur No Olvidado<\/em> (2010) d\u2019Andrea Bowers et sur Memorial to 418 Palestinian Villages Which Were Destroyed, Depopulated, and Occupied by Israel in 1948<\/em> (2001) d\u2019Emily Jacir, une tente de r\u00e9fugi\u00e9\u00b7es de format familial sur laquelle les noms de village archiv\u00e9s dans le livre All That Remains<\/em>7<\/sup><\/a> 7 <\/a> - Walid Khalidi, All That Remains: The Palestinian Villages Occupied and Depopulated by Israel in 1948<\/em>, Washington (D.C.), traduit de l\u2019arabe par Housni Zeinah, Institute for Palestine Studies, 2001.<\/span> (1992) de Walid Khalidi sont brod\u00e9s par les membres du public pour raconter les histoires de destruction et de d\u00e9placement connues comme \u0627\u0644\u0646\u0643\u0628\u0629 (Nakba), ou \u00ab la catastrophe \u00bb. Chacune des \u0153uvres atteste ce qui a \u00e9t\u00e9 perdu aux fins de la pr\u00e9servation de la d\u00e9mocratie : la vie des migrant\u00b7es mexicain\u00b7es qui tentent de traverser la fronti\u00e8re entre le Mexique et les \u00c9tats-Unis, et les mondes palestiniens dissouts en vertu d\u2019un imp\u00e9ratif d\u2019exclusion et de colonisation. Mesch pr\u00f4ne une d\u00e9finition \u00e9tendue de l\u2019art de la d\u00e9mocratie apte \u00e0 renforcer l\u2019inclusion sociale. L\u2019empathie est l\u2019affect cl\u00e9 de ce processus : ce qu\u2019elle nomme \u00ab effet de d\u00e9mocratie \u00bb repose sur la capacit\u00e9 de l\u2019art \u00e0 t\u00e9moigner de la souffrance que \u00ab nous \u00bb ne connaissons pas nous-m\u00eames.<\/p>\n\n\n\n

\n
<\/div>\n\n\n\n
\n
\n

L\u2019art est une forme d\u2019\u00e9ducation publique \u00e0 l\u2019empathie : en rendant visibles ceux et celles qui sont exclu\u00b7es de la participation, l\u2019art peut reconfigurer le statuquo politique et rendre la d\u00e9mocratie plus inclusive, plus juste et plus \u00e9galitaire.<\/p>\n<\/blockquote>\n<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

Au m\u00eame titre que Mesch, Maude Johnson aborde la relation entre l\u2019art et la d\u00e9mocratie dans \u00ab L\u2019urgence du d\u00e9bat \u00bb (no<\/sup> 92, D\u00e9mocratie<\/em>). Or, les orientations des autrices diff\u00e8rent. Dans son portrait de l\u2019artiste franco-alg\u00e9rien Kader Attia, Johnson affirme qu\u2019il \u00ab condamne la d\u00e9mocratie en tant que v\u00e9hicule h\u00e9g\u00e9monique de la pens\u00e9e occidentale \u00bb. Dans son installation lumineuse au n\u00e9on Demo(n)cracy<\/em> (2009), Attia glisse un \u00ab n \u00bb silencieux entre les lettres illumin\u00e9es du demos<\/em> et du kratia<\/em>. La lettre brul\u00e9e du titre est plac\u00e9e entre parenth\u00e8ses \u2013 ses contours courb\u00e9s attirent mon attention sur les exclusions constitutives que Mesch esp\u00e8re voir illumin\u00e9es par l\u2019\u00e9ducation \u00e0 l\u2019empathie.<\/p>\n\n\n\n

\n
<\/div>\n\n\n\n
\n
\"\"<\/a><\/figure>\n<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

Dans l\u2019\u0153uvre d\u2019Attia, nous rencontrons une d\u00e9finition plus complexe du secret. En 2016, Attia a fond\u00e9 La Colonie<\/s> dans une ancienne usine textile du 10e<\/sup> arrondissement, \u00e0 Paris. Cet espace culturel d\u00e9di\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9coute, au partage et \u00e0 la manifestation a accueilli des ateliers, des discussions, des projections et des expositions ax\u00e9s sur une praxis d\u00e9coloniale. Attia place La Colonie<\/s> derri\u00e8re une rature. Ni cach\u00e9es ni r\u00e9v\u00e9l\u00e9es, ses interventions typographiques marquent la violence qui hante myst\u00e9rieusement le corps des colonis\u00e9\u00b7es, ces personnes \u00e9tant une condition de possibilit\u00e9 de l\u2019\u00e9tablissement de d\u00e9mocraties diverses. Ce secret n\u2019a aucun sujet intentionnel. Au lieu d\u2019un secret dont nous avons conscience, nous trouvons ici un secret inconscient qui se faufile entre les g\u00e9n\u00e9rations. La Colonie<\/s> ouvre un espace o\u00f9 les histoires transnationales de violence et d\u2019oppression coloniales peuvent \u00eatre (in)exprim\u00e9es collectivement et o\u00f9 les formes d\u00e9lib\u00e9r\u00e9es d\u2019\u00ab inconscience coloniale8<\/sup><\/a> 8 <\/a> - Manu Vimalassery, Juliana Hu Pegues et Alyosha Goldstein, \u00ab On Colonial Unknowing \u00bb, Theory & Event<\/em>, vol. 19, no<\/sup> 4 (2016), <https:\/\/muse.jhu.edu\/article\/633283>. [Trad. libre]<\/span> \u00bb qui rendent ces histoires incompr\u00e9hensibles sont reconnues. Nos secrets les mieux gard\u00e9s seraient-ils ceux auxquels nous ne pouvons pas nous-m\u00eames acc\u00e9der ?<\/p>\n\n\n\n

Opacit\u00e9s<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

L\u2019essai \u00ab De l\u2019opacit\u00e9 contre les d\u00e9rives de l\u2019empathie \u00bb (no<\/sup> 95, Empathie<\/em>) de Mirna Abiad-Boyadjian aide \u00e0 mettre en lumi\u00e8re le secret involontaire qui anime les gestes politiques d\u2019effacement d\u2019Attia. Mobilisant l\u2019opacit\u00e9 contre les abus d\u2019empathie lib\u00e9raux, Abiad-Boyadjian pr\u00f4ne une r\u00e9appropriation du secret dans les gestes artistiques de refus. Elle d\u00e9bute avec une citation de l\u2019\u00e9crivaine Clarice Lispector : \u00ab Je dois, pour voir, \u00eatre lib\u00e9r\u00e9e de moi-m\u00eame\u2026 L\u2019autre \u2013 l\u2019existence inconnue, anonyme. \u00bb En se penchant sur l\u2019appel \u00e0 la transparence qui suppose que des individus peuvent se connaitre ou se rencontrer \u2013 soi-m\u00eame ou l\u2019autre \u2013, elle d\u00e9construit habilement le d\u00e9sir d\u2019imm\u00e9diatet\u00e9 sans secret<\/em> qui se trouve au c\u0153ur du concept moderne du sujet. Le secret, affirme-t-elle, structure m\u00eame notre relation avec nous-m\u00eames. Ou, comme le dit Nietzsche, \u00ab nous ne nous connaissons pas9<\/sup><\/a> 9 <\/a> - Fr\u00e9d\u00e9ric Nietzsche, La g\u00e9n\u00e9alogie de la morale<\/em> (3e<\/sup> \u00e9dition), traduit de l\u2019allemand par Henri Albert, Paris, Soci\u00e9t\u00e9 du Mercure de France, 1900, p. 7.<\/span> \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

 <\/p>\n\n\n\n

\n
\n
\"\"<\/a><\/figure>\n<\/div>\n\n\n\n
<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

Abiad-Boyadjian s\u2019appuie sur la performance participative de Clare Patey, A Mile in My Shoes<\/em> (en cours depuis 2016), qui invite litt\u00e9ralement le public \u00e0 marcher dans les souliers de quelqu\u2019un d\u2019autre, afin d\u2019interroger la pr\u00e9somption selon laquelle l\u2019empathie constituerait un \u00ab antidote \u00e0 l\u2019hyperindividualisme des soci\u00e9t\u00e9s capitalistes n\u00e9olib\u00e9rales et aux conflits qui embrasent notre monde \u00bb. L\u2019empathie, soutient-elle, pr\u00e9suppose une croyance humaniste \u00e0 la disponibilit\u00e9 fondamentale de l\u2019autre. Un acc\u00e8s transparent \u2013 qu\u2019il s\u2019agisse de l\u2019acc\u00e8s de l\u2019ethnographe au monde int\u00e9rieur des Trobriandais de la Nouvelle-Guin\u00e9e ou celui aux v\u00e9rit\u00e9s intimes du soi \u2013 est non seulement impossible, mais surtout une intrusion violente. La sp\u00e9cialiste du f\u00e9minisme noir Saidiya Hartman parle du \u00ab caract\u00e8re glissant de l\u2019empathie10<\/sup><\/a> 10 <\/a> - Saidiya V. Hartman, Scenes of Subjection: Terror, Slavery, and Self-Making in Nineteenth-Century America<\/em>, New York, Oxford University Press, 2010, p. 18. [Trad. libre]<\/span> \u00bb, qu\u2019elle d\u00e9finit comme un mode de relationalit\u00e9 non consensuel dont les formes h\u00e9g\u00e9moniques revendiquent les exp\u00e9riences marginalis\u00e9es pour nourrir l\u2019imagination colonialiste. Mobilisant la th\u00e9orie de l\u2019opacit\u00e9 du philosophe et po\u00e8te martiniquais \u00c9douard Glissant, Abiad-Boyadjian consid\u00e8re les pratiques artistiques anticoloniales qui r\u00e9sistent \u00e0 l\u2019appropriation empathique. Selon Glissant, il faut d\u00e9fendre le \u00ab droit \u00e0 l\u2019opacit\u00e911<\/sup><\/a> 11 <\/a> - \u00c9douard Glissant, \u00ab Pour l\u2019opacit\u00e9 \u00bb, Po\u00e9tique de la relation<\/em>, Paris, Gallimard, 1990, p. 203-209.<\/span> \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

\n
\n
\n

L\u2019opacit\u00e9 refuse la logique totalisante de la transparence. Les ruses du secret sont des strat\u00e9gies de survie. En effet, pour les communaut\u00e9s racis\u00e9es et les personnes queers et trans, l\u2019opacit\u00e9 et l\u2019alternance codique (codeswitching<\/em>) sont des formes de fugitivit\u00e9 et de r\u00e9sistance infrapolitique. <\/p>\n<\/blockquote>\n<\/div>\n\n\n\n

<\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

En attirant notre attention sur les performances somatiques de l\u2019artiste multidisciplinaire br\u00e9silienne Mariana Marcassa, Abiad-Boyadjian offre des pistes pour un mode de relationalit\u00e9 incarn\u00e9 qui pr\u00e9serve l\u2019opacit\u00e9 de l\u2019autre en tant qu\u2019autre<\/em>. Les performances de Marcassa incluent des actes d\u2019\u00e9coute collectifs qui g\u00e9n\u00e8rent des espaces r\u00e9sonants o\u00f9 l\u2019on lib\u00e8re la m\u00e9moire corporelle des traumatismes par des cris, des pleurs, des chants et d\u2019autres expressions vocales. En se concentrant sur les courants sous-jacents de la voix (non pas le contenu du langage, mais son grain, son affect incarn\u00e9), Marcassa, tout comme Attia, indique un secret qui demeure \u00e9tranger \u00e0 la parole : le r\u00e9v\u00e9ler revient \u00e0 le trahir et \u00e0 le d\u00e9charger de sa confidentialit\u00e9. Je pense que c\u2019est l\u00e0 que l\u2019artiste multidisciplinaire et activiste Olivier Marb\u0153uf veut en venir lorsque, dans sa performance sonore de 2022 (dont le pr\u00e9sent essai tire son titre), il nous enjoint de \u00ab faire secret12<\/sup><\/a> 12 <\/a> - Olivier Marb\u0153uf, \u00ab Faire Secret [keep the secret] \/ Berlin Biennale \u00bb, site web de l\u2019artiste, 7 septembre 2022, <https:\/\/olivier-marboeuf.com\/2022\/09\/07\/faire-secret-keep-the-secret-berlin-biennale\/>.<\/span> \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

De l\u2019opacit\u00e9 \u00e9merge une autre interpr\u00e9tation du secret, non pas comme quelque chose d\u2019oppos\u00e9 \u00e0 la transparence et \u00e0 la v\u00e9rit\u00e9, mais en tant que mode de relation anti-imp\u00e9rial. \u00c0 quoi ressemblerait un demos<\/em> dont l\u2019amorce serait la reconnaissance de quelque chose d\u2019opaque en chaque personne \u2013 un demos<\/em> qui nous lierait plut\u00f4t que de nous diviser ? Si l\u2019autre n\u2019est jamais enti\u00e8rement accessible, alors il y a toujours la possibilit\u00e9 d\u2019un secret non d\u00e9tect\u00e9 \u2013 de la duperie et du mensonge. En un sens, j\u2019ai seulement besoin de faire confiance \u00e0 l\u2019autre, qui pourrait, en principe, me duper \u00e0 perp\u00e9tuit\u00e9. D\u00e8s lors, nous ne pouvons pas simplement mettre fin au secret, car nos collectivit\u00e9s d\u00e9pendent paradoxalement d\u2019un rapport \u00e0 la part des autres qui reste cach\u00e9e. Ce secret d\u00e9borde la d\u00e9finition intentionnelle du secret avec laquelle nous avons commenc\u00e9. Il d\u00e9borde le contr\u00f4le du r\u00e8gne totalitaire et le capitalisme de surveillance de l\u2019\u00c9tat. Le secret n\u2019est pas qu\u2019une des nombreuses fa\u00e7ons dont on peut entrer en relation avec les autres. C\u2019est plut\u00f4t la forme g\u00e9n\u00e9rale de tous<\/em> nos contacts et de toutes<\/em> nos relations : le secret est le tissu m\u00eame de notre \u00eatre-ensemble<\/em>. Mais surtout, il structure notre relation avec nous-m\u00eames. <\/p>\n\n\n\n

Traduit de l\u2019anglais par Maude Johnson<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Th\u00e9oricienne de l\u2019image et commissaire ind\u00e9pendante bas\u00e9e \u00e0 Tiohti\u00e1:ke\/Mooniyang\/Montr\u00e9al, Gwynne Fulton d\u00e9tient une maitrise \u00e8s beaux-arts en arts cin\u00e9matographiques et un doctorat en philosophie et histoire de l\u2019art de l\u2019Universit\u00e9 Concordia. Ses travaux portent sur la ph\u00e9nom\u00e9nologie critique, les esth\u00e9tiques d\u00e9coloniales et le film et la photographie contemporains. Ses \u00e9crits ont \u00e9t\u00e9 publi\u00e9s dans Esse<\/em>, Mosaic<\/em> et In\/Visible Culture<\/em>, ainsi que chez J\u2019ai VU, Dazibao, M\u00e9vius et ARP Books.<\/p>\n\n\n\n

Liens vers les articles cit\u00e9s : Lynda Dematteo<\/a> Emily Rosamond<\/a> Claudia Mesch<\/a> Maude Johnson<\/a> Mirna Abiad-Boyadjian<\/a><\/p>\n\n\n

Andrea Bowers, Clare Patey, Emily Jacir, Gwynne Fulton, Jon Rafman, Kader Attia, Liz Sterry, Mariana Marcassa, Nedko Solakov<\/div>\n
Andrea Bowers, Clare Patey, Emily Jacir, Gwynne Fulton, Jon Rafman, Kader Attia, Liz Sterry, Mariana Marcassa, Nedko Solakov<\/div>\n
Andrea Bowers, Clare Patey, Emily Jacir, Gwynne Fulton, Jon Rafman, Kader Attia, Liz Sterry, Mariana Marcassa, Nedko Solakov<\/div>\n
Andrea Bowers, Clare Patey, Emily Jacir, Gwynne Fulton, Jon Rafman, Kader Attia, Liz Sterry, Mariana Marcassa, Nedko Solakov<\/div>\n
Andrea Bowers, Clare Patey, Emily Jacir, Gwynne Fulton, Jon Rafman, Kader Attia, Liz Sterry, Mariana Marcassa, Nedko Solakov<\/div>\n
Andrea Bowers, Clare Patey, Emily Jacir, Gwynne Fulton, Jon Rafman, Kader Attia, Liz Sterry, Mariana Marcassa, Nedko Solakov<\/div>
Andrea Bowers, Clare Patey, Emily Jacir, Gwynne Fulton, Jon Rafman, Kader Attia, Liz Sterry, Mariana Marcassa, Nedko Solakov<\/div>","protected":false},"excerpt":{"rendered":"","protected":false},"author":15,"featured_media":199217,"template":"","categories":[1397,156],"numeros":[],"disciplines":[],"statuts":[],"checklist":[],"auteurs":[277],"artistes":[6744,1514,1459,2860,1610,2859,1509,4226],"type_chronique":[496],"yoast_head":"\nFaire Secret \/ Keep the Secret – Esse<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Faire Secret \/ Keep the Secret\" \/>\n<meta property=\"og:url\" content=\"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/\" \/>\n<meta property=\"og:site_name\" content=\"Esse\" \/>\n<meta property=\"article:publisher\" content=\"https:\/\/fr-ca.facebook.com\/revue.esse\" \/>\n<meta property=\"article:modified_time\" content=\"2023-11-03T16:23:56+00:00\" \/>\n<meta property=\"og:image\" content=\"https:\/\/esse.ca\/wp-content\/uploads\/2023\/10\/Fulton_esse-Portrait-2.jpeg\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:width\" content=\"1265\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:height\" content=\"927\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:type\" content=\"image\/jpeg\" \/>\n<meta name=\"twitter:card\" content=\"summary_large_image\" \/>\n<meta name=\"twitter:site\" content=\"@revue_esse\" \/>\n<meta name=\"twitter:label1\" content=\"Dur\u00e9e de lecture estim\u00e9e\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:data1\" content=\"22 minutes\" \/>\n<!-- \/ Yoast SEO Premium plugin. -->","yoast_head_json":{"title":"Faire Secret \/ Keep the Secret – Esse","robots":{"index":"index","follow":"follow","max-snippet":"max-snippet:-1","max-image-preview":"max-image-preview:large","max-video-preview":"max-video-preview:-1"},"canonical":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/","og_locale":"fr_FR","og_type":"article","og_title":"Faire Secret \/ Keep the Secret","og_url":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/","og_site_name":"Esse","article_publisher":"https:\/\/fr-ca.facebook.com\/revue.esse","article_modified_time":"2023-11-03T16:23:56+00:00","og_image":[{"width":1265,"height":927,"url":"https:\/\/esse.ca\/wp-content\/uploads\/2023\/10\/Fulton_esse-Portrait-2.jpeg","type":"image\/jpeg"}],"twitter_card":"summary_large_image","twitter_site":"@revue_esse","twitter_misc":{"Dur\u00e9e de lecture estim\u00e9e":"22 minutes"},"schema":{"@context":"https:\/\/schema.org","@graph":[{"@type":"WebPage","@id":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/","url":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/","name":"Faire Secret \/ Keep the Secret – Esse","isPartOf":{"@id":"https:\/\/esse.ca\/#website"},"primaryImageOfPage":{"@id":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/#primaryimage"},"image":{"@id":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/#primaryimage"},"thumbnailUrl":"https:\/\/esse.ca\/wp-content\/uploads\/2023\/10\/Fulton_esse-Portrait-2.jpeg","datePublished":"2023-10-23T19:48:01+00:00","dateModified":"2023-11-03T16:23:56+00:00","breadcrumb":{"@id":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/#breadcrumb"},"inLanguage":"fr-FR","potentialAction":[{"@type":"ReadAction","target":["https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/"]}]},{"@type":"ImageObject","inLanguage":"fr-FR","@id":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/#primaryimage","url":"https:\/\/esse.ca\/wp-content\/uploads\/2023\/10\/Fulton_esse-Portrait-2.jpeg","contentUrl":"https:\/\/esse.ca\/wp-content\/uploads\/2023\/10\/Fulton_esse-Portrait-2.jpeg","width":1265,"height":927},{"@type":"BreadcrumbList","@id":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/faire-secret-keep-the-secret\/#breadcrumb","itemListElement":[{"@type":"ListItem","position":1,"name":"Home","item":"https:\/\/esse.ca\/"},{"@type":"ListItem","position":2,"name":"Columns","item":"https:\/\/esse.ca\/chronique\/"},{"@type":"ListItem","position":3,"name":"Faire Secret \/ Keep the Secret"}]},{"@type":"WebSite","@id":"https:\/\/esse.ca\/#website","url":"https:\/\/esse.ca\/","name":"Esse","description":"Read Art","publisher":{"@id":"https:\/\/esse.ca\/#organization"},"potentialAction":[{"@type":"SearchAction","target":{"@type":"EntryPoint","urlTemplate":"https:\/\/esse.ca\/?s={search_term_string}"},"query-input":"required name=search_term_string"}],"inLanguage":"fr-FR"},{"@type":"Organization","@id":"https:\/\/esse.ca\/#organization","name":"Les \u00e9ditions Esse","url":"https:\/\/esse.ca\/","logo":{"@type":"ImageObject","inLanguage":"fr-FR","@id":"https:\/\/esse.ca\/#\/schema\/logo\/image\/","url":"https:\/\/esse.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/01\/logo-esse.jpg","contentUrl":"https:\/\/esse.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/01\/logo-esse.jpg","width":316,"height":89,"caption":"Les \u00e9ditions Esse"},"image":{"@id":"https:\/\/esse.ca\/#\/schema\/logo\/image\/"},"sameAs":["https:\/\/fr-ca.facebook.com\/revue.esse","https:\/\/twitter.com\/revue_esse","https:\/\/www.instagram.com\/revueesse\/","https:\/\/ca.linkedin.com\/company\/esse-arts-opinions","https:\/\/www.youtube.com\/channel\/UCa9jXCKqjDjvnGahVnBKQNA","https:\/\/fr.wikipedia.org\/wiki\/Esse_arts_+_opinions"]}]}},"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/chronique\/199205"}],"collection":[{"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/chronique"}],"about":[{"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/chronique"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/15"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media\/199217"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=199205"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=199205"},{"taxonomy":"numeros","embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/numeros?post=199205"},{"taxonomy":"disciplines","embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/disciplines?post=199205"},{"taxonomy":"statuts","embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/statuts?post=199205"},{"taxonomy":"checklist","embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/checklist?post=199205"},{"taxonomy":"auteurs","embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/auteurs?post=199205"},{"taxonomy":"artistes","embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/artistes?post=199205"},{"taxonomy":"type_chronique","embeddable":true,"href":"https:\/\/esse.ca\/wp-json\/wp\/v2\/type_chronique?post=199205"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}