AMProulx_Lesfalaises se rapprochent
Anne-Marie Proulx Les falaises se rapprochent, vue de l’installation et détails, Galerie des arts visuels, Université Laval, Québec, 2018.
Photos : permission de l’artiste
À l’été 2015, sur le navire qui relie Natashquan et Blanc-Sablon, Anne-Marie Proulx rencontre une femme originaire de Pakuashipi qui l’invite à visiter son village. L’artiste s’y rendra à quatre reprises au cours des deux années suivantes et y fera connaissance avec Mathias Mark, Tanya Lalo Penashue et Mariette Mestenapeo, qui formeront, avec l’artiste, les quatre voix que l’on entend dans l’exposition Les falaises se rapprochent, présentée au printemps dernier à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval. L’artiste y propose quatre bandes sonores tirées de ses conversations avec les trois Innus aux côtés de quelques photographies de roches recueillies le long du fleuve et du golfe et d’extraits d’un dictionnaire innu-français. Autant de traces de son passage dans la petite communauté innue de la Basse-Côte-Nord qui témoignent d’une autre approche possible des peuples autochtones.


Anne-Marie Proulx s’intéresse depuis 2011 aux représentations du territoire, qui révèlent les différents rapports que l’on peut y entretenir. Le double caractère des images traditionnelles du territoire (carte, photographie, peinture) est que le regardeur structure la représentation – par exemple en déterminant, par sa position, le point de fuite qui organise le paysage – et qu’il se situe à l’extérieur du lieu représenté. Le monde se trouve ainsi soumis aux paramètres fixés par l’observateur et celui-ci, situé hors champ, demeure intouché par ce qu’il voit1 1 - Nous nous référons à l’analyse de la perspective par Isabelle Thomas-Fogiel. Conférence « Le lieu de l’universel : Impasses du réalisme dans la philosophie contemporaine » le 16 mars 2016, Faculté de philosophie, Université Laval, Québec.. Il en découle une posture de maitrise, de contrôle, qui s’incarne, si l’on se rapporte au nord du Québec, par les vues aériennes des prospecteurs miniers qui survolaient les terres de haut pour évaluer plus efficacement les ressources exploitables et la façon d’y accéder. Le projet Bassins versants, réalisé entre 2014 et 2016, peut être compris comme une déconstruction des représentations issues d’un rapport d’extériorité à la nature2 2 - On peut penser aux expositions Les derniers glaciers, présentée en 2017 à la galerie Occurrence, à Montréal, et Les dernières prospections, présentée en 2015 au centre d’artistes Panache art actuel de Sept-Îles.. En obscurcissant les photographies de différents sites, en détournant des photographies tirées des archives de l’exploitation minière du Québec et en multipliant les types de discours sur le territoire (celui des missionnaires, des prospecteurs, des autochtones, des romanciers, etc.), l’artiste remet en question l’utilisation du paysage pour se rapporter au territoire, mode de représentation dont l’efficacité tient à ce que le lieu est subordonné à un seul point de vue.

Cet article parait également dans le numéro 94 - Travail
Découvrir

Suggestions de lecture