Klaus Scherübel Sans titre (Seconde exposition des automatistes, au 75 rue Sherbrooke Ouest, chez les Gauvreau, 1947), annonce, 2019.
Photo : permission de l’artiste

Remonter l’image, descendre le temps. La reconstitution comme savoir chez Klaus Scherübel

Patrice Loubier
Au printemps dernier, Klaus Scherübel signait à VOX un intrigant diptyque installatif, fort d’une stimulante ambigüité entre vocation documentaire et offre esthétique. L’artiste reconstituait en trois dimensions les intérieurs domestiques visibles dans deux photographies emblématiques d’expositions des automatistes prises par Maurice Perron, membre du groupe et documentariste officieux de ses activités. Œuvres, murs, mobiliers… tous ces éléments quittaient le format restreint du tirage argentique pour retrouver une présence tangible plus proche de celle qu’ils avaient eue 70 ans plus tôt. Uniques traces visuelles qui subsistent aujourd’hui de ces évènements, les photographies de Perron offrent de ces manifestations des aperçus aussi évocateurs que fragmentaires. Remonter ces images à la surface du présent, c’était éprouver à la fois l’éloquence et les limites de leur témoignage. Scherübel, dans cet esprit, a privilégié un mode de reconstitution oscillant entre recréation fidèle et réinterprétation libre.

La première de ces manifestations est connue sous le nom de Seconde Exposition automatiste ; regroupant les œuvres de six membres du groupe, elle s’est tenue rue Sherbrooke, à Montréal, du 15 février au 1er mars 1947 chez la mère des frères Claude et Pierre Gauvreau1 1 - Marie-Josée Jean, « Créer à rebours vers l’exposition : le cas de la seconde exposition des automatistes », Montréal, VOX, centre de l’image contemporaine, 2019, s. p.. La seconde vue d’exposition reconstituée par Scherübel est un cliché des œuvres de Jean-Paul Mousseau et de Jean-Paul Riopelle présentées chez la comédienne Muriel Guilbault la même année. Au terme de la transposition qu’il en a effectuée, ces photos donnent lieu à des installations apparemment fidèles, mais rendues subtilement énigmatiques en raison des écarts qui les en distancient pourtant. La reconstitution de la première est au premier regard fort réaliste, rappelant le genre muséographique du diorama par la vitrine derrière laquelle elle se trouve. La seconde consiste en une scénographie à l’ambiance plus théâtrale, baignant dans une pénombre où les tableaux captés par Perron, accrochés au grillage métallique couvrant les murs du logis de Guilbault, sont rendus par de simples panneaux de bois lisse qui semblent flotter dans cette semi-obscurité comme des présences fantomatiques.

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Cet article parait également dans le numéro 98 - Savoir
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