Annie MacDonell Holding Still // Holding Together, capture vidéo | video still, 2016.
Photo : permission de l’artiste | courtesy of the artist

Perturber la performance autoritariste par la résistance corporelle

Heather Rigg
Dans un article intitulé « Austerity, Precarity, Awkwardness » (2011), Lauren Berlant définit la « performance autoritariste » comme la nécessité, pour les corps dirigeants, de veiller à ce que les gens ordinaires qu’ils gouvernent ne remettent pas en cause leur prestige d’entités autonomes, souveraines et infaillibles. Dans l’histoire récente, l’une des causes de cette nécessité serait la crise financière de 2008, qui a montré clairement que « l’État se trouve avec le capital privé dans la même relation dévalorisante et incertaine que les gens ordinaires 1 1 - Lauren Berlant, « Austerity, Precarity, Awkwardness », Supervalent Thought, novembre 2011, . [Trad. libre] ». Si les « gens ordinaires » avaient réalisé que leur relation trouble avec le capitalisme était la même que celle de l’État, la « vérIté2 2 - Truthiness, à savoir une « vérité relative », celle qu’on juge suffisamment prouvée par la conviction intime que l’occurrence est vraie, quels que soient par ailleurs les faits, le contexte. [NDT] » des infrastructures néolibérales qui permettent au concept de capital – et aux États autoritaristes – de se maintenir à flot aurait été exposée, vulnérable au démantèlement. Ainsi exposée, la performance autoritariste s’est donc assurée que les citoyens continuent de croire qu’en soutenant le capitalisme, on préservait la stabilité et avec elle, la loi, l’ordre et – peut-être surtout – le caractère indispensable des corps dirigeants.

Tout au long de l’article, Berlant analyse la relation selon elle précaire qu’entretiennent avec le capital les citoyens comme les États. Ses idées, assez obscures par endroits, en particulier quand elle emploie les termes « genres » et « évènements », se révèlent avec le plus de clarté dans sa lecture attentive du film bref de Liza Johnson, In the Air (2009). Le point culminant du film est une chorégraphie kitch interprétée avec maladresse par les habitants d’une petite ville du Midwest américain. Leur danse est une forme de résistance physique à l’oppression quotidienne, attribuable aux failles du capitalisme et à ce que je perçois à mon tour comme la performance autoritariste de l’État. Le geste collectif que Berlant met en évidence dans le film de Johnson est à la fois crucial et ambigu ; les autorités, absentes, ne peuvent être affrontées directement. La danse apparait alors comme un acte de révélation et de résistance du corps à cette demande in absentia pour un travail qui n’a pas de sens. 

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Cet article parait également dans le numéro 96 - Conflits
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