Incorporated !

Vanessa Morisset
Les Ateliers de Rennes. Biennale d’art contemporain, divers lieux.
Du 1er octobre au 11 décembre 2016
Babi BadalovAnti Fashion Shop, vue d'installation, Le Praticable, Rennes, 2016.
Photo : Aurélien Mole, permission de l'artiste
Les Ateliers de Rennes. Biennale d’art contemporain, divers lieux.
Du 1er octobre au 11 décembre 2016
Spontanément interprété par la plupart d’entre nous comme une marque d’enthousiasme, le point d’exclamation du titre Incorporated ! pourrait bien se révéler, en déambulant dans les divers lieux d’exposition de la biennale, plus ambivalent qu’il ne le semble à première vue. Il se pourrait même que ce détail soit central pour saisir l’ensemble du projet mené par le commissaire François Piron. Car, plus qu’une franche volonté d’incorporation dans le monde de l’entreprise, les œuvres présentées semblent interpréter l’exclamation comme une injonction à laquelle elles n’obéissent pas : elles y répondent en proposant d’autres manières de faire corps. S’opère alors sous nos yeux un glissement de sens, depuis l’inc. des firmes internationales qui dévorent le monde vers l’incorporation inverse, celle du monde actuel tel qu’il est absorbé par l’être de chacun, dans sa pensée et dans sa chair.

Par conséquent, les visiteurs venus avec en tête l’idée d’une biennale appliquant stricto sensu le programme initial de « rencontres entre des pratiques artistiques et des pratiques économiques et entrepreneuriales » (voir le dossier de presse) seront déboussolés. Oui, le rapport à l’économie des œuvres choisies est souvent flou mais comment pourrait-il en être autrement, aujourd’hui, à l’ère des échanges instantanés? Nous faisons tous l’expérience de la circulation effrénée des valeurs et des informations, mais sans en comprendre le fonctionnement et sans clairement en percevoir les conséquences, non seulement économiquement mais aussi humainement. Cette situation est parfaitement résumée par le théoricien Yves Citton dans le catalogue de la manifestation lorsqu’il aborde la question de l’effet produit sur nous par ce qu’il appelle les médiations humaines (photos, écrans…) : « À quelle vitesse ces choses circulent-elles autour de nous et à travers nous ? À quelle distance ? Qui cela associe ? Comment cela homogénéise, collecte et compute la circulation ? […] je suis convaincu qu’il y a une agentivité propre aux appareils techniques, en particulier électriques — qui datent d’un siècle et demi — qui agissent d’une façon absolument inédite, et que nous n’avons même pas encore commencé à comprendre, en terme de temporalité et d’extension, d’intensité et de pénétration des corps » (p. 81-82). Les œuvres de l’exposition expriment chacune une position, une réaction ou un état d’âme face à ce tourbillon.

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