Démocratie sans garanties

Marc James Léger
La démocratie a des ennuis, comme le montrent les récents évènements. La gouvernance néolibérale qui accompagne la mondialisation, le postfordisme et la nouvelle économie numérique a des conséquences désastreuses, notamment un retour aux niveaux d’inégalité économique du 19e siècle, des catastrophes environnementales sans précédent et des régimes de sécurité qui, en réaction aux guerres sans fin contre les régimes en place, ne connaissent plus que l’état d’urgence. En ce qui concerne la relation entre culture et société, on est en droit de se demander si l’art n’a pas de graves ennuis, lui aussi – ou, avec un scepticisme plus marqué, si l’art ne serait pas, d’une façon ou d’une autre, involontairement ou programmatiquement, un aspect de cette même gouvernance néolibérale.

Dans sa version moderne issue des Lumières, l’art était censé aider au développement du sujet doué de raison et le rendre capable d’exprimer son humanité sous la forme d’un projet plutôt que d’une superstition fatidique. Malgré leurs conceptions très différentes, tous les mouvements artistiques de la modernité avaient pour arrière-plan le capitalisme libéral et l’idéologie bourgeoise occidentaux. Mais depuis le postmodernisme, c’est un tout autre récit que nous nous racontons. L’histoire a pris fin et avec elle, la résistance esthétique au capitalisme bourgeois. Ce sentiment que le capitalisme est désormais le seul régime socioéconomique viable, Mark Fisher l’appelle « le réalisme capitaliste1 1 - Mark Fisher, Capitalist Realism: Is There No Alternative?, Winchester, O Books, 2009. ». On pourrait dire qu’une grande part de l’art produit aujourd’hui est de l’art réaliste capitaliste. Et dans la mesure où la plupart des mouvements artistiques des 19e et 20e siècles critiquaient l’idéologie bourgeoise, l’art contemporain se retrouve dans une situation étrange par rapport à l’héritage de la modernité.

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Cet article parait également dans le numéro 92 - Démocratie
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