Roe, It was an unusual way of doing politics, there were friendships, loves, gossip, tears, flowers...
Alex Martinis Roe It was an unusual way of doing politics, there were friendships, loves, gossip, tears, flowers..., video still, 2014.
Photo: courtesy of the artist

De la prédominance de la parole au don de l’écoute

Anik Fournier
L’écoute n’est pas une réaction, mais une relation. Lorsqu’on écoute une conversation ou une histoire, on n’est pas tant dans la réaction – on devient plutôt partie prenante de l’action.
– Ursula K. Le Guin

Selon les théories occidentales de la démocratie, l’agentivité est intimement liée au pouvoir et au droit de parole dans la sphère politique. Aristote définissait le sujet politique comme celui qui possède une phone semantike – une voix signifiante. D’autres philosophes, comme Hannah Arendt et Richard McKay Rorty, décrivent la parole et la discussion comme un fondement idéal pour concilier les intérêts pluralistes dans nos sociétés de plus en plus hétérogènes. Ils tiennent largement pour acquis que l’échange dialogique aboutit à de meilleurs résultats pour le bien commun. La parole continue d’être considérée comme un trait essentiel de la démocratie dans les théories politiques qui affirment le droit du citoyen d’avoir voix au chapitre dans les décisions, prônent la liberté d’expression en tant que principe démocratique et maintiennent que les voix du peuple sont reflétées à plus d’un titre dans une démocratie représentative, au-delà du seul fait de voter. Néanmoins, on constate chez les penseurs, en particulier ceux qui réfléchissent à la démocratie, une certaine propension à privilégier la parole aux dépens de l’écoute1 1 - Andrew Dobson, Listening for Democracy: Recognition, Representation, Reconciliation, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 7.. Cette propension reflète la grande dichotomie qui oppose ces deux éléments au sein des cultures occidentales, où la prise de parole est vue comme le marqueur de l’agentivité. On considère que la personne qui parle assume une position dynamique et consciente ou qu’elle relate le « récit » juste, propre à servir de fondement à la croyance et à l’action. Ceux qui écoutent sont perçus comme des réceptacles passifs. Pourtant, un rapport dialectique unit les deux termes. Dans cette optique, la parole est tributaire de l’acte d’écouter et il s’ensuit que ce dernier est étroitement lié au pouvoir.

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Cet article parait également dans le numéro 92 - Démocratie
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