L’office national du film et le cinéma canadien (1939-2003)

Pierre Rannou
Caroline Zéau, L’office national du film et le cinéma canadien (1939-2003), Bruxelles, Peter Lang, collection « Études canadiennes », 2006, 463 p.

[In French]

On a souvent l’impression que tout a été dit et écrit sur l’Office ­national du film du Canada. Pourtant, l’ouvrage que Caroline Zéau vient de consacrer à l’institution prouve qu’il y a encore beaucoup à dire et à ­questionner. Une fois passé l’étonnement de se retrouver avec cette brique de 463 pages entre les mains (il s’agit d’une thèse de doctorat remaniée), on prend un plaisir certain à traverser ce livre d’une écriture des plus agréables.

Dans la première partie de l’ouvrage, l’auteure relate les faits saillants de l’histoire et du fonctionnement de l’ONF. Contrairement à la ­majorité des textes francophones publiés sur le sujet, l’ouvrage n’aborde pas ­uniquement les années de fondation de l’institution ou encore la période de l’âge d’or de la production francophone. Zéau consacre de nombreuses pages à la période des années 1970 à aujourd’hui, analysant aussi bien les remises en question du mandat de l’organisme que les crises financières successives, conséquence des coupures drastiques du gouvernement fédéral. Si les spécialistes risquent de n’y retrouver que peu d’éléments nouveaux, le lecteur moyen appréciera par contre la qualité de la synthèse et le regard original qui soutient la démonstration. 

La deuxième partie de l’ouvrage, intitulée « L’âge d’or de la ­production à l’ONF », est consacrée au cinéma d’animation et au cinéma direct ; les deux types de production emblématiques de l’organisme. Dans la section sur le cinéma d’animation, après avoir montré le rôle clé joué par Norman McLaren, par son implantation d’un mode de travail axé sur l’artisanat et l’expérimentation, elle montre comment s’est perpétué cet esprit à ­l’intérieur du Studio français d’animation et dans le Studio B, dévoué aux films commandités et à l’animation du côté anglophone. La section sur le cinéma direct réserve moins de surprise, mais constitue un très bon survol de la question, s’intéressant aussi bien au contexte historique ­d’apparition du mouvement qu’aux différentes appellations utilisées pour qualifier cette pratique. 

Enfin, dans une troisième partie, Zéau souligne le caractère central de l’ONF dans le développement de l’industrie du long métrage canadien, aussi bien francophone qu’anglophone, du documentaire social et politique et de l’innovation technologique, menant à la mise au point de techniques de projection sur très grand écran, que ce soit pour le projet Labyrinthe de l’Exposition universelle de Montréal en 1967 ou pour celui du film en Imax 3-D intitulé Transitions présenté à l’Exposition universelle de Vancouver en 1986. 

On peut donc sans l’ombre d’un doute dire qu’il s’agit de l’ouvrage en langue française le plus complet sur l’Office nationale du film du Canada et son influence. De plus, à travers sa lecture, les francophones auront accès à de nombreuses sources de langue anglaise, rarement traduites, mais fort significatives dans l’historiographie de cet organisme fédéral. Déplorons enfin le prix relativement élevé de l’ouvrage, qui l’empêche pratiquement de devenir le guide des étudiants de langue française sur cette institution incontournable de notre cinématographie nationale. 

Pierre Rannou
Pierre Rannou
This article also appears in the issue 61 - Fear
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