Bethan Huws, Black and White Animals 

Vanessa Morisset
Centre international d’art et du paysage de Vassivière,
Du 13 mars au 19 juin 2011
Bethan Huws Forest, 2008-2009.
photo : André Morin, permission de l’artiste et Yvon Lambert, Paris/New York
[In French]

Les artistes du 20e siècle sont rarement bucoliques, Marcel Duchamp moins que les autres. Pourtant, à Vassivière, l’artiste d’origine galloise Bethan Huws parvient à s’approprier les ready-made et les calembours du pionnier de l’art conceptuel – « Et Duchamp ? C’est un Trou Normand », énonce l’une des pièces – en les déplaçant du côté de la forêt et de ses mystères. Miraculeusement, la tarte à la crème qu’est devenue la référence à Duchamp dans l’art contemporain s’en trouve revigorée, complètement rafraîchie. Les oeuvres de Huws relèvent de l’appropriation tout en restant ouvertes sur le monde. 

Dans le parc de Vassivière, quelques porte-manteaux en bronze sont installés, faux ready-made d’une forme si banale que Duchamp aurait pu les utiliser – des porte-manteaux style « perroquet » qui donnent son titre à l’oeuvre, Perroquets, 2009. Mais ici, à peine visibles parmi les arbres, ils attirent moins l’attention sur ce qui fait d’un objet une oeuvre d’art que sur les charmes de la forêt. C’est comme si Duchamp nous emmenait à la cueillette aux champignons.

À l’intérieur, la nef est occupée par une oeuvre qui fait explicitement le lien entre Duchamp et la forêt ; intitulée Forest, 2008-2009, elle est consti-tuée de porte-bouteilles de différentes tailles, qui rappellent celui signé par Duchamp en 1915. Toutefois, à la différence de ce dernier, notoirement acheté par Duchamp au BHV, comme tous ses ready-made « sur la base de son indifférence visuelle », ceux-ci ont été chinés dans des brocantes. Un seul fait exception et procure à l’ensemble une certaine grâce : il est fabriqué en néon et irradie l’espace de sa lumière blanche. Dans cette forêt, les elfes semblent de retour.

Dans une autre salle, des pièces jouent elles aussi avec le concept de ready-made en lui redonnant une dimension sensible. Un oignon tient en équilibre sur une petite balançoire, un sablier est signé Richard Mutt… Puis un ensemble de tableaux noirs avec de petites lettres blanches nous interpellent avec des phrases souvent drôles et liées à Duchamp, telles que celle citée plus haut ou encore le très jouissif « Piss off, I’m a Fountain ! ».

Enfin, le plus champêtre des ready-made de l’exposition reste la performance organisée pour le vernissage, un tableau vivant réalisé en transportant à Vassivière des couples d’animaux noirs et blancs, chiens danois, porcs basques, vaches normandes. Contrepied de la pratique popu-laire des tableaux vivants, basée sur la pose théâtrale des participants, ces animaux, certains hagards, tout juste sortis des camions, d’autres rebelles, refusant de rester groupés, offraient une expérience visuelle singulière, étrangement spectaculaire. Dans le cadre enchanté de Vassivière, sur fond d’herbe grasse et humide, le noir et blanc de leur pelage donnait l’impression qu’ils s’étaient échappés d’un film des débuts du cinéma. À moins qu’il ne s’agisse d’un remake animalier d’Anemic Cinema… 

Bethan Huis, Vanessa Morisset
This article also appears in the issue 73 - Art as transaction
Discover

Suggested Reading