Marcelle Ferron
Monographie

Étienne Lalonde
Collectif, Montréal, éditions Simon Blais, 2008, 150 p.

[In French]

Un grand artiste est-il nécessairement un artiste engagé ? Non. Seulement, lorsque ces appellations se rencontrent, l’œuvre y trouve un souffle, une vision, une profondeur certaine, remarquable, parce ­qu’entièrement tournée vers l’humanité et la nécessité de voir et de sentir à travers les lieux et les événements qui l’habitent, et qui sont essentiels à son existence. Là où il y a de l’humain, il y a de l’art nous dit Marcelle Ferron, partout dans son œuvre, partout.

Ce qui frappe d’emblée dans la création de cette peintre, sculpteure et verrière inclassable, c’est le travail de la lumière, gracieux, grandiose ; elle aura d’ailleurs, dans son approche du verre, inventé une méthode permettant de construire des murs de lumière en insérant des plaques de verre ancien entre deux parois claires, amenant le regard vers d’autres lieux, d’autres lois ; l’invention et le regard, ici, étant le début de toute chose.

Membre de délégations à Cuba ou en Chine, signataire du Refus ­global, féministe avant l’heure, cette artiste de gauche (mais jamais ­doctrinaire) aura voué sa vie au combat. La libre pensée fut, pour elle, à l’instar de son frère, le Docteur Ferron, écrivain illustre, un puissant moteur de ­création : « Le jour où les communistes ont voulu nous rallier, Borduas leur a ­répliqué ce mot terrible : “Vous êtes beaucoup trop à droite pour nous.” Le ­marxisme était encore à ce moment-là l’espoir du monde, mais nous n’étions pas très informés de ce qui se passait en URSS » (propos recueillis par René Viau en 1977).

Simon Blais, qui représente la succession de Marcelle Ferron, ­consacrait en juin dernier à sa galerie dont le nom n’est plus à faire, une rétrospective des œuvres de l’artiste. En une soixantaine de pièces, ­appartenant toutes aux trois filles de l’artiste disparue en 2001 (pour la plupart des œuvres ayant habité la demeure de Ferron, accrochées aux murs de son quotidien lumineux, mais aussi des œuvres des années 1950 que l’artiste avait décidé, au fil des ans, de retravailler), le galeriste ­désirait : « [Faire] la grosse exposition. […] la faire connaître mieux encore dans le reste du Canada. »

Le catalogue de l’exposition est d’une qualité exemplaire. En dépit des neuf textes qui présentent les œuvres reproduites (41 pages ­d’introduction !), l’ensemble reste d’une sobriété et d’une élégance sans pareilles – de la grande édition. Pascale Beaudet, Josée Drouin-Brisebois, Robert Enright, Réal Lussier, René Viau, Pâquerette Villeneuve, Patricia Smart et les filles de Marcelle Ferron ; Danielle, Diane et Babalou y vont ainsi de leurs analyses, leurs souvenirs, affirment leur amour de cette œuvre, et ce, pour le plus grand plaisir de tous. Un ouvrage d’une rare beauté.

Étienne Lalonde
This article also appears in the issue 65 - Fragile
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