Mathilde Roman

Habiter l’exposition : l’artiste et la scénographie

Nathalie Desmet
Manuella éditions Paris, 2020, 270 p.
Mathilde Roman Habiter l’exposition : l’artiste et la scénographie, page couverture, 2020.
Photo : permission de Manuella éditions, Paris
Manuella éditions Paris, 2020, 270 p.
[In French]

Peut-on considérer l’exposition comme un habitat, un milieu dans lequel évoluent à la fois œuvres et spectateurs ? Par une série d’entretiens conduits avec des artistes choisis pour leur approche scénique de l’exposition, Mathilde Roman déplace l’idée d’une scénographie qui ne serait que dispositif de présentation formelle. Elle montre comment ces derniers s’en emparent pour construire des situations ouvertes. Les entretiens commencent avec l’artiste Dan Graham à propos d’une œuvre de 1975, Performer, Audience, Mirror, pièce programmatique pour l’auteure tant son anti-spectacularité présente à la fois le souci d’impliquer les points de vue du spectateur que de convoquer la phénoménologie de la performance. Roman oriente majoritairement son propos sur la dimension scénique des installations multiécrans, dans le prolongement de son livre précédent On stage, montrant comment celles-ci se distinguent du cinéma en raison des corps qui s’y inscrivent.  

L’intérêt de ce recueil réside surtout dans l’orientation thématique des entretiens. L’auteure a su constamment recentrer ses échanges sur sa préoccupation première : interroger les artistes sur leur façon de concevoir les mises en scène de leurs œuvres tout en cherchant à en connaître l’effet attendu sur les spectateurs. De nombreux projets sont ainsi analysés, disséqués, mis en conversation. Dans une synthèse préalable, qui appelle à un développement plus complet et plus long, la perspective des enjeux les plus récents de la scénographie est reliée à une histoire plus classique convoquant autant Herbert Bayer que El Lissitsky. Partant des premières tentatives pour rendre le spectateur plus actif dans l’exposition, l’auteure étend sa réflexion au prisme de la théorie des milieux à l’aide d’auteurs comme Jakob von Uexküll, dont l’ouvrage de 1934, Milieu animal et milieu humain a été remis au goût du jour par Pierre Huygue dans plusieurs de ses expositions. La scénographie n’est plus considérée comme un simple environnement, mais comme le moyen de créer des espaces de réciprocité, des zones de rencontre. Œuvres et spectateurs peuvent alors créer d’autres types de relations « entre humains et non humains », tels que l’envisage Donna Haraway dans Habiter le trouble, livre dans lequel la notion d’habitat est empruntée pour le présent ouvrage. Les échos de ces préoccupations écologiques resurgissent dans les entretiens. On y découvre par exemple l’influence de Jonathan Gottschall et sa conception des espaces narratifs en lien avec la théorie de l’évolution dans le travail de Tony Oursler ou encore l’impact de l’écocinéma chez Eija-Liisa Ahtila.  

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This article also appears in the issue 102 - (Re)seeing Painting
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