Elles font l’abstraction

[In French]

Si c’est surtout les « Elles » dans le titre de l’exposition qui ont suscité des débats en France, Elles font l’abstraction est avant toute chose une merveilleuse réflexion sur l’abstraction : cette idée saugrenue, apparue au début du 20e siècle (ou déjà, comme affirment ici les commissaires, au 19e), qui veut que l’art, en particulier la peinture, n’ait pas à se contenter de la reproduction mimétique du monde visible, mais qu’il puisse s’exprimer par un jeu plus autonome de formes et de couleurs. Tant de questions découlent de cette révolution et trouvent matière à réflexion ici, des interrogations sur le sens à donner à ces juxtapositions d’éléments visuels et sur leur possible résistance à la « traduction », voire à la description verbale (parfois opposée à leur proximité de la musique). En regardant les quelque 500 œuvres de l’exposition, on se rappelle que les abstractions ont souvent été interprétées comme représentant l’ordre (ou le désordre) du monde, mais que d’autres y ont vu plutôt un miroir de la psyché humaine, universelle ou, au contraire, particulière à l’artiste qui a créé l’œuvre. 

Cette dernière question nous rapproche, finalement, de la catégorie choisie comme critère d’inclusion pour cette exposition : l’abstraction « féminine » serait-elle un type spécifique de ce genre pictural ? L’identité de genre des artistes est-elle pertinente pour l’appréciation d’une œuvre, en particulier quand celle-ci ne représente pas d’êtres humains ni de situations sociales ? Qu’une exposition fasse émerger, dans l’esprit du public, tant de questions de fond, c’est déjà un exploit important.