P.A.I.N
P.A.I.N. Manifestation devant le musée Solomon R. Guggenheim, New York, 2019.
Photo : Yana Paskova/The Guardian/ eyevine/Redux

Douleurs rebelles

Martine Delvaux
La première image, celle qui m’a été proposée, celle qui me hantait déjà parce que c’était l’image la plus forte que je connaissais, et qui me renvoyait à mon état : Frida Kahlo allongée sur son lit, chevalet incliné devant elle, palette sur la poitrine, pinceau tendu vers la toile. Parfois, le corset qui enveloppe son torse est caché sous une robe. Parfois, on le voit, cette étendue de plâtre devenue elle-même une toile sur laquelle des figures ont été peintes. Une robe-corset. Une robe-toile. Un corps-peintre.




Cette image-là, au plus fort de ma douleur, juste après le printemps rouge et des mois de révolte dans les rues de Montréal aux côtés des étudiant·e·s luttant pour le gel des frais de scolarité (et, plus largement, le droit à un avenir), c’est mon psychanalyste qui me l’a présentée. Assise dans le fauteuil devant lui, souffrant le martyre, je lui demandais comment j’allais faire pour continuer à écrire. Que si cette douleur durait, je n’y arriverais pas, je démissionnerais de la vie. Réponse du psy : « Faites comme Frida Kahlo, trouvez une manière de travailler en demeurant allongée. » La mine basse, me rendant à l’évidence que c’était ça ou rien, j’ai commencé la ronde de l’écriture entre le divan et le lit, entre le comptoir de cuisine et une table de travail debout-assise, entre l’horizontalité et la verticalité. J’ai continué, jusqu’à aujourd’hui. Désormais, je vis avec elle, c’est devenu ma meilleure ennemie.

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Cet article parait également dans le numéro 106 - Douleur
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