Mohammed-Saleh
Mohammed SalehUrban Farm, 2019.
Photo : Emily Jacir, permission de l'artiste & Dar Yusuf Nasri Jacir for Art and Research, Bethléem

Les pieds sur terre : la politique de la plantation sur des territoires occupés

Marta Wódz
Après ma première visite à la ferme Om Sleiman, sur la route du retour vers Ramallah, j’ai demandé à Yara de me parler de son rapport à l’art. Elle m’a répondu qu’elle ne se considérait pas comme une artiste, mais bien comme une agricultrice militante et une éducatrice. Pourtant, depuis qu’elle a commencé à demander – et à obtenir – des bourses dans le secteur des arts pour mener à bien ses projets de recherche, ses activités s’inscrivent dans un nouveau domaine. Son cas particulier semble refléter une tendance plus vaste ; parmi les Palestinien·nes œuvrant au carrefour de l’agriculture, de l’environnementalisme et de l’art, on retrouve aussi Mohammad Saleh (de Mostadam Eco Design) et Baha Hilo. Au fil de ma discussion avec Yara, j’ai appris que cette rencontre entre l’art et l’agriculture se doterait d’une nouvelle dimension au festival Foraging Fireflies, dont Shayma Nader et elle étaient cocommissaires, qui était organisé par SuperMelon1 1 - Le festival était organisé en partenariat avec la ferme Om Sleiman, le centre culturel Khalil Sakakini, la Fondation Sakiya pour l’art, la science et l’agriculture et l’association Dalia., une nouvelle initiative artistique visant à jeter des ponts entre la culture et l’agriculture et à sensibiliser la population aux activités quotidiennes liées à la terre et à son exploitation. Si elles peuvent sembler anodines, ces pratiques ont néanmoins une portée politique de taille.

SuperMelon a fait son apparition sur les réseaux sociaux le 15 avril 2023. Axé sur la souveraineté alimentaire à l’échelle du territoire occupé de la Palestine, il visait à rassembler les artistes, les chercheurs, les chercheuses, les agriculteurs, les agricultrices et les militant·es de la région. L’objectif était d’entamer une discussion plurielle et de combler le fossé toujours croissant entre la société et la production agricole. La série inaugurale d’évènements publics – le festival Foraging Fireflies – s’est tenue à Ramallah et dans la campagne environnante. Elle comprenait des ateliers, des promenades guidées, des projections cinématographiques, la récolte du blé, des activités pour les enfants, des conférences, des performances, des débats publics et, évidemment, des repas collectifs festifs confectionnés avec des produits locaux. Ainsi, SuperMelon a su mettre au jour deux éléments qui se trouvent au carrefour de l’agriculture, de l’alimentation et du militantisme : présenter les interventions liées à l’agriculture comme artistiques, tout en les positionnant au sein de ce que T. J. Demos nomme « l’écologie politique2 2 - T. J. Demos, Decolonizing Nature: Contemporary Art and the Politics of Ecology, Berlin, Sternberg Press, 2016. », sans jamais dissimuler leur propos politique.

Cet article est réservé aux visiteur·euses avec un abonnement Numérique ou Premium valide.

Abonnez-vous ou connectez-vous à Esse pour lire la rubrique complète !

S’abonner
Se connecter
Cet article parait également dans le numéro 110 - Agriculture
Découvrir

Suggestions de lecture