Michel Goulet, sculpteur – Stéphanie Jasmin

Étienne Lalonde
Montréal, Varia (Portraits d’artistes)
2007, 52 p.
[In French]
« Inventoriateur » autant que sculpteur, Michel Goulet croit que l’« art qui découvre renonce à la priorité de l’invention [...]. Il renoue plutôt avec la mémoire privée et collective. Il tend à l’inventaire des acquis ­culturels [...] qui permettent de décrire plutôt que d’illustrer, d’agrémenter, de ­séduire ». Cherchant ainsi la poésie des formes qui existent partout sous nos yeux, le sculpteur se refuse à l’ajout, préférant donner vie au ­quotidien des choses, aux petits abandons qui peuplent la vie matérielle, et il le fait magnifiquement.

Quelle remarquable initiative que la collection « Portraits ­d’artistes », lancée en 2006 aux éditions Varia. Unique, cette collection intimiste ­propose d’abord des rencontres, des avancées lumineuses dans la vision du monde d’un artiste, pénétrant de par la voix, le questionnement le plus pur, leur univers, leur matière; et ces rencontres, chaque fois, sobrement illustrées d’une quinzaine de photographies de Richard-Max Tremblay, appellent à la réflexion sur le geste créateur, sans théorisation à l’excès, mais en beauté, simplement.

S’il est principalement reconnu pour ses nombreux projets dans le domaine de l’art public, Goulet est un touche-à-tout dont la ­sensibilité n’a d’égale que la force du regard ; un habitué de lieux habités, et donc un ­chercheur et découvreur en ces lieux des objets-traces de notre ­civilisation : cours de ferraille, brocantes, ventes de garage, débarras.

Le plastique, le métal, le bois. De petites boîtes de clous, de vis, de crochets. Voilà les éléments du monde de Goulet décrits superbement par Stéphanie Jasmin, dans Michel Goulet, sculpteur, le regard de l’auteure accompagnant le créateur parmi les lieux qu’il habite – un atelier où, un peu à la manière d’une fabrique toute simple, les images naissent de ­l’essentiel, n’attendant qu’à être dépouillées de tout le poids du sens et où les matériaux ne demandent qu’à dévoiler leur forme intrinsèque, un peu pour la profondeur du regard, mais pour la densité du rêve, surtout.

Soulignons ici la très grande qualité du texte de l’auteure ; petits ­instantanés admirables, au bord de la fiction hyperréaliste, narrative, un peu récit, tantôt poème en prose, ouvrant les portes de l’univers de Goulet à l’initié ou non ; questionnant bellement la mise au monde d’une œuvre qui pousse à réfléchir sur la pratique de l’art, donc à se questionner sur soi et à s’ouvrir à l’autre.

Or, si l’ouvrage aurait gagné en qualité grâce à un traitement couleur des photos reproduites (ici en noir et blanc) ou à une mise en page plus orchestrée des éléments du texte (toujours en bas de page, chapeautés des photographies de Tremblay ou non), celui-ci reste un ­incontournable pour connaître et comprendre l’œuvre d’un grand sculpteur, mais surtout, d’un grand découvreur de formes.

Étienne Lalonde, Michel Goulet
This article also appears in the issue 64 - Waste
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