La jeune critique

Johanne Chagnon

[In French]

ESSE, contre vents et marées, sort son no 8, qui a fier allure. Contre vents et marées? Oui, et ce n’est pas parce que nous avons déménagé notre «siège social» à Honolulu ou Hawaï (!) mais bien parce que les conditions de réalisation et de production de chaque numéro sont telles qu’à chaque parution nous sommes les premiers surpris. Surpris d’être là, surpris aussi du résultat final qui se contrôle, vu nos moyens et nos visées, jusqu’à une certaine limite. Cette part de hasard est cependant plus stimulante qu’inquiétante étant donné le comité de rédaction qui, avec l’appui de proches collaborateurs, se charge d’en assurer la cohésion. Cohésion qui, nous prenons plaisir à le souligner, est plus marquée ce numéro-ci. ESSE a bel et bien — attention, voilà l’énormité — le goût du Québec! S’il s’agit d’un parti pris, il ne nous empêche cependant pas d’être critique, au contraire. Notre réflexion se trouve renforcée d’une part puisque nous avons circonscrit notre champ d’action et d’autre part parce que nous aimons les défis, et penser (panser?) la santé culturelle du Québec en ce moment, en est tout un!

Bref, ESSE a le Québec à œil. Cette vigilance s’applique au fil des chroniques ainsi que dans le dossier, consacré cette fois à la (jeune) critique. Parlant du dossier, on y critique la critique sur tous les tons. Certaines préoccupations communes se font à jour cependant. On insiste sur la nécessaire liberté d’action des critiques qui doivent rester à l’abri des conflits d’intérêt afin de mieux exercer leur jugement. On s’interroge aussi sur les procédés d’infiltration que semble souvent privilégier la jeune critique : pénétrer les institutions et les revues déjà existantes, passe encore, mais les critiquer en proposant des alternatives notamment, c’est mieux. Se dégage aussi de l’ensemble des textes d’une volonté de s’occuper davantage du système culturel, des réseaux qui le constituent et non uniquement de l’objet (événement et œuvres).

De plus, un besoin de mobilisation se fait sentir. Nous voulons prendre le pouls de la pensée contemporaine, mais sans la part d’à-plat-ventrisme (l’effet mode) que cela comporte habituellement. La réévaluation de notre position critique face à la production d’ici, au Québec, doit s’oxygéner tout en étant vigilante. Vous aurez compris qu’il ne s’agit pas d’exclure totalement les œuvres et les événements de notre propos mais plutôt de les mettre en contexte.

Ainsi, outre le dossier qui se charge de donner une certaine perspective, les diverses chroniques prennent la relève de l’actualité artistique. Dans Commentaires on vous livre une réflexion sur la langue et sa survie en passant par une critique du miroitement, genre Eldorado, suscité par l’éventuel partenariat : monde des affaires/monde des arts. Les activités couvertes dans Montréalités confirment, quant à elles, notre visée pluridisciplinaire : de la peinture/vidéo à la performance et à l’installation. La chronique B.D., toujours assurées par Yves Millet, propose un coup d’œil sur Agoulème 87 et ses retombées «folklorisantes», tandis que Bernard Mulaire (notre Indiana Jones de la muséologie!), nous entraîne sur la piste des éléments constitutifs du tabernacle de la chapelle Sacré-cœur (église Saint-Jacques, Montréal). Avec la chronique Entrevue, Claude Toupin persiste et signe un dialogue avec Jean-Pierre Morin (artiste) tandis que Daniel Lavoie, ex-directeur de la programmation à CIBL et à CINQ FM, nous accorde à ce titre et en exclusivité sa dernière entrevue!

Finalement, mentionnons les nouveautés : ESSE accueille ses premières poésies dans les pages Artiste-(de)-Chroniques ainsi que les délires (délices) — à-partir — d’une image signés Carole Brouillette, qui sont hors chronique. Enfin, la conception graphique du présent numéro a été assurée presque entièrement (certains auteurs ayant fait leur propre mise en page) par Catherine Chagnon (une autre Chagnon eh! Oui), artiste. Cette première est à l’image de nos initiatives antérieures qui visaient, et qui visent toujours, à faire de la revue un lieu de rencontres entre praticiens et théoriciens. Et voilà le travail!

Johanne Chagnon
This article also appears in the issue 8 - La jeune critique
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